Retour au meilleur des mondes – Aldous Huxley

Trouvez son livre ici : Retour aux meilleurs des mondes – Huxley

Aldous Huxley est un auteur britannique (1894-1963) dont nous ne retenons malheureusement que Le meilleur des mondes et Les portes de la perception.

Je n’avais jamais fait le rapprochement entre Georges Bernanos et Aldous Huxley. Et pourtant en lisant l’introduction de ce livre, j’ai vu un lien clair avec La France contre les robots. Bien entendu, on peut supposer que la Seconde Guerre mondiale et l’utilisation de la bombe atomique sur des civils — faut-il le rappeler — a dû considérablement choquer les contemporains et influencer nombre d’auteurs. Il y a aussi un lien à faire avec la machine d’information, les médias.

Retour au meilleur des mondes

Ce livre a été écrit 27 ans après Le meilleur des mondes, que l’on met souvent en parallèle avec le 1984 d’Orwell. Pour rappel dans son livre de 1931, Huxley imaginait une société ordonnée qui avait un contrôle sur les citoyens par le biais du plaisir. En effet, ceux-là prenaient des drogues, le soma, pour voir la vie en rose. Ils avaient un tel contrôle total de leurs capacités procréatrices que l’idée même d’enfanter leur étaient dégoûtante, comparable à une pratique barbare. Le monde était organisé et planifié par des ordinateurs ainsi que des chefs de l’ordre mondial. Les fœtus se voyaient injecter une quantité donnée d’alcool pour les abêtir et les citoyens étaient hiérarchisés. Voilà le meilleur des mondes que Huxley anticipait résumé de manière succincte.

Ce livre est un constat fait par Huxley, celui que les évènements compris dans le meilleur des mondes ne se produiront pas 6 ou 7 siècles après la naissance d’Henry Ford, mais plutôt qu’ils arriveront beaucoup plus rapidement.

La surpopulation à l’aune du XXIe siècle

Tout d’abord quelque chose l’inquiète, la surpopulation. En effet, nous sommes entrés à 1,6 milliard d’êtres humains dans le XXe siècle pour en ressortir à plus de 6 milliards. Il est donc compréhensible qu’Huxley s’en soit préoccupé, la croissance démographique ne semblait jamais s’arrêter. Dans son livre, un niveau de population avait été fixé et était strictement contrôlé. Dans le monde des années 50, rien n’était fait en ce sens. Il n’y a qu’aujourd’hui que nous pouvons voir des personnes nous appelant à moins faire d’enfants, nous les Occidentaux qui avons déjà des taux de natalité inférieurs à 2 ce qui nous empêche de nous renouveler.

Cette surpopulation mènera selon lui à un contrôle autoritaire :

« [ce problème] créera des conditions telles que ta liberté individuelle et les convenances sociales de la démocratie deviendront impossibles, presque inconcevables. »

Pour les pays sous-développés, la croissance démographique est semblable à une punition. Cela dilapide des capitaux déjà rares entre de plus en plus de mains, ce qui empêche de plus en plus les populations à s’en sortir. Et c’est ce qui pousse les gouvernements à se raidir pour empêcher le gaspillage de ressource. Il envisage que les pays sous-développés vont plutôt aller vers des dictatures communistes. On peut quand même noter que l’Inde, le Nigéria qui connaissent une forte croissance démographique arrivent à garder des aspects démocratiques. Sans doute songeait-il à la Chine.

Huxley le darwiniste

Dans le même cas, l’amélioration de la médecine n’est pas forcément quelque chose de positif selon lui, car cela va permettre à des êtres humains de moins bonne constitution de quand même propager leur gène. L’extrait parle pour lui-même :

« Au mauvais vieux temps, les enfants souffrant de vices héréditaires graves ou même bénins survivaient rarement ; aujourd’hui, grâce à l’hygiène, à la pharmaceutique et à la conscience modernes, la plupart de ces diminués atteignent la maturité et propagent leur espèce. Dans les conditions actuelles, tout progrès de la médecine tendra à être contrebalancé par un accroissement correspondant des chances de survie d’individus affligés de quelque insuffisance génétique. Malgré les nouvelles drogues miracles et des traitements plus efficaces (on peut même dire en un certain sens, grâce à eux), la santé physique de la masse ne s’améliorera pas, au contraire, et un déclin de l’intelligence moyenne pourrait bien accompagner cette détérioration. »

Le progrès technique et Huxley

Le progrès technique, orgueil des Occidentaux, cause une concentration économique et technique ce qui inévitablement va nous amener à une réduction de la démocratie. En plus de cela la production de masse va réduire les chances pour les petits acteurs de continuer à vivre. C’est un monde de plus en plus concentré, induit par le progrès technique, qui nous attend là. Ce sont les grosses affaires qui dirigent nos vies, bien loin de l’idée atomistique de la concurrence pure et parfaite des libéraux.

Sur cette conception d’atome, Huxley nous dit que la société contemporaine pousse les êtres humains à s’uniformiser. Ce qui est une menace puisque chacun d’entre nous est censé être unique or notre mode de société nous pousse vers l’unité. Dans le domaine des sciences, on essaie de généraliser un système, ce qui n’est pas un mal en soi. Mais dans le domaine politique, économique on chercher à réduire la multiplicité à une unité pour que cela soit uniformisé. Cela transforme les êtres humains en automates et c’est ce que nous voyons dans les usines où les humains doivent s’adapter aux machines.

Le futur de la société vu par Huxley

Sur les modes d’organisation humain, il oppose la société qui est semblable à une meute à la civilisation qui est une organisation mécanisée. Les êtres humains en se concentrant dans les villes, perdent leurs identités pour faire partie d’un tout. Or pour être en démocratie, il faut une individualité, ce que nous avons tendance à perdre. Et cette civilisation à la fin des années 50 tendait à ressembler plutôt à une termitière, souhaitée par certains et peu combattue par d’autres.

Quand il imagine le XXIe siècle, il pense à un gouvernement mondial, un système de caste et un Meilleur des mondes. Il voit aussi l’émergence de la sociologie et s’en inquiète. Quand les ingénieurs techniques voulaient rationaliser les organisations au début du XXe, les ingénieurs sociaux, eux, veulent organiser les sociétés. Il anticipe le renouveau d’un système féodal.

En démocratie la propagande ne peut avoir que deux voies, soit elle est rationnelle et dans ce cas celui qui agit en sa faveur sait pourquoi. Autrement, elle ne l’est pas et séduit les bas instincts des masses collectives. La presse et les médias d’information ne sont en ce sens ni bon ou mauvais, tout dépend de leur utilisation. Mais la concentration progressive des médias et le fait qu’ils s’attachent plus à l’irréel et l’inconséquent, qu’ils vantent le divertissement est quelque chose de dangereux, car cela permet de manipuler les masses plus facilement.

La manipulation des masses

Les médias exploitent les déraisons et l’ignorance des clients pour des intérêts pécuniaires. Sur la publicité, elle vante les plus bas instincts à défaut de pouvoir nous vendre des produits pour « défendre la patrie » ou susciter d’autres émotions aussi puissantes. Elle ne peut que se reléguer à des slogans promettant que ses produits attirent le sexe opposé. Le modèle publicitaire peut aussi être rapproché de la manière dont la politique est faite aujourd’hui, à la manière dont les candidats se vendent. Leur personnalité et la façon dont elle est orchestrée par leur chef de communication sont la partie essentielle de la campagne.

Sur le lavage de cerveau, Huxley s’appesantit longuement sur la manière dont les pays communistes le pratiquent sur leur jeunesse pour en faire des hommes nouveaux dans le sens où ils oublient leurs familles, leurs amis et sont totalement voués au communisme. Pour cela il cite abondamment Pavlov et ses méthodes.

Il envisage ensuite les méthodes plus modernes qui impliquent des substances chimiques. Ayant testé une partie des substances hallucinogènes que nous proposes la science et la nature, on peut penser qu’il en position d’en parler. Bien entendu il prend son livre de 1931 pour référence, dans lequel une drogue était admise aux citoyens pour qu’ils oublient leur quotidien. Il pense que des dictatures pourraient prescrire ce genre de drogue à leur peuple pour le calmer, l’exister selon les besoins et la situation. Cela me semble un peu gros personnellement.

Il continue ensuite sur quelque chose qui paraît beaucoup plus réaliste, la persuasion subliminale. C’est-à-dire le fait de montrer de manière rapide des textes très courts pour pousser à acheter. La victime n’a même pas conscience de ce qu’elle a vu et pourtant son cerveau retient qu’il faut « acheter du coca ». C’est quelque chose de profondément vil, mais d’une ingénierie que l’on peut saluer.

Il continue sa liste des différents vecteurs par lesquels un dictateur pourrait influencer son peuple en citant l’hypnopédie, c’est-à-dire faire écouter des slogans durant le sommeil des personnes. Ce qui est utilisé dans son livre. Les études montrent aussi qu’une partie des citoyens sont très réceptifs à ce genre de chose, mais qu’à l’extrême une autre partie ne le sera jamais. Tandis que le ventre mou sera converti, mais à la longue. Il faut se poser la question si la suggestibilité des gens n’est pas déjà utilisée à notre insu par les médias, les politiques. J’aurais tendance à dire que tout politique qui utilise le pathos, le préférant à un discours de raison, use déjà de ce stratagème.

Pour empêcher ce genre de chose d’arriver, Huxley propose d’éduquer les jeunes générations avec une formation centrée sur « les faits et les valeurs. » Il veut se baser sur le fait que tous les humains sont divers et non uniformes, comme le voudraient pour des raisons de simplifications les politiques. Cela peut aussi nous faire penser aux polémiques qui courent sur le fait que les êtres humains seraient tous les mêmes. Or la médecine nous dit le contraire et même croire cela peut entraîner un réel danger. Par exemple certaines populations sont intolérantes aux lactoses, les asiatiques, quand d’autres non.

Enseigné l’esprit critique pour lutter contre la propagande

Il propose, ce qui est fait en partie aujourd’hui, d’analyser les faits. Il faut enseigner aux enfants les bases d’un esprit critique. Mais là encore cela peut avoir des limites. Nous voyons aujourd’hui des personnes se faire insulter de conspirationnistes, à raison, mais aussi à tort. Nous aurions été insultés de conspirationniste si en 2001 nous avions dit qu’il n’y avait pas d’arme de destruction massive en Irak. Et pourtant les forces américaines ont menti. Mais cet esprit critique poussé à son paroxysme par tous les citoyens pourrait aussi être dangereux. Cela provoquerait une montée du cynisme et de la remise en cause, qui pourrait être un danger pour la cohésion sociale.

Ce livre a été écrit pour montrer que la liberté des individus était en danger par de nombreux facteurs et qu’il fallait donc tout faire pour empêcher cette dégradation. Il voulait prévenir la mise en place d’esclave psychologique. Quelle tête ferait-il en nous voyant sur nos téléphones, abêtis dans le monde virtuel pour nous échapper du monde réel, monotone, lent et ennuyeux ? Il anticipait une forme de totalitarisme non violent qui garderait sous les mêmes apparences le monde, mais en changerait la moelle, la matière vive. Il anticipait déjà une oligarchie avec une élite menant le monde. Je ne crois pas que cela soit aussi caricatural, il y a sans doute diverses forces politiques et financières en jeu, opposées l’une des autres. Interpréter le monde de manière monolithique m’apparaît comme un peu simple.

La surpopulation étant un sujet qui semble le hanter, il se questionne sur la manière dont « la pilule » pourra être administrée aux futures femmes. Là-dessus, ne pouvons-nous pas dire que les méthodes de persuasion reposant sur la suggestibilité ont été utilisées ? Le problème étant que cela s’est plus répandu en Occident, où la natalité était déjà en baisse, que dans le reste du monde laissant le problème des répartitions de ressources toujours actuel. Le problème étant que dès qu’une mesure malthusienne est mise en place, les populations européennes sautent dessus quand les autres ne font rien. Cela conduit donc à un écart toujours grandissant entre le vieux monde et le reste, au niveau démographique. Et ensuite, on nous appelle à accepter des populations étrangères qui vont venir suppléer notre manque de force ouvrière.

Il encourage ensuite à quitter les grands centres urbains pour aller s’installer dans les communes rurales afin de retrouver un semblant de communauté, ce qui empêche dans l’organisation qu’est devenu le centre urbain moderne.

Un futur bien sombre

Un extrait est assez édifiant sur la génération américaine née juste avant et pendant la Seconde Guerre mondiale :

« [à propos des jeunes Américains]… des sondages récents de l’opinion publique ont révélé que la majorité des adolescents au-dessous de vingt ans, les votants de demain, ne croient pas aux institutions démocratiques, ne voient pas d’inconvénient à la censure des idées impopulaires, ne jugent pas possible le gouvernement du peuple par le peuple et s’estimeraient parfaitement satisfaits d’être gouvernés d’en haut par une oligarchie d’experts assortis, s’ils pouvaient continuer à vivre dans les conditions auxquelles une période de grande prospérité les a habitués. »

Et il me faut conclure là-dessus, la menace qui pèse le plus sur nous c’est le caractère tranquillisant des médias et surtout du divertissement. Les gens de mon âge sont peu enclins à travailler, car c’est une contrainte. Dans une société où l’on nous vend le plaisir, le divertissement gratuit et immédiat, il ne faut pas s’étonner que les nouvelles générations s’écartent de la valeur « travail ». Elles préfèrent badiner, cueillir le jour — n’est-ce pas un tatouage malheureusement répandu — plutôt que de s’atteler à construire quelque chose. Il n’y a même plus besoin de persuader, tout est fait pour favoriser un mauvais penchant de l’homme, celui de la paresse.

Je vous conseille la vidéo d’une chaîne que j’ai découvert depuis peu, mais qui est sourcée et très bien construite, pour aller plus loin sur le rôle et les conséquences du divertissement à outrance :

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